Archives mensuelles : septembre 2012

Gare aux ‘backdoors’ ultraconservatrices de la ‘gayitude’ !

Pour l’heure, le débat parlementaire français relatif au mariage d’homosexuels ainsi qu’à l’adoption par deux parents de sexe identique semble, de part et d’autre, se présenter sous l’angle de la maturité et du respect, de sorte que la possibilité d’une récidive de l’embrasement passionnel qui avait, il y a un peu moins de quarante ans, mis aux prises Simone Veil et plusieurs députés de droite enflammés et hautains au sujet d’un autre bouleversement éthique (l’I.V.G.), certes difficilement comparable mais non moins inscrit, lui aussi, dans la perspective d’une architecture sociale plus respectueuse des droits individuels, paraît s’écarter. Alléluia ! Les noms d’oiseaux restent dans le placard et les postures politiques simiesques font, à ce stade, l’objet d’un refoulement de bon aloi, pour une fois.

A écrire vrai, les problématiques actuellement à l’examen sont bien moins polémiques que celle qui était à l’étude en 1975. En Belgique, le mariage d’homosexuels a été adopté par une large majorité laïque, début 2003. L’on imagine mal que s’il eût été encore en vie au début du millénaire, le roi Baudouin se fût senti obligé de recourir, dans ce cadre, à la même pirouette constitutionnellement douteuse que celle qui lui avait été conseillée à l’occasion du contreseing de la version belge de la loi Veil, au cours de l’année 1990 (à savoir une bien inédite et très ponctuelle impossibilité de régner). Le roi avait ses principes, mais il était aussi profondément respectueux des choix personnels. Quoi que l’on en pense, c’est à l’atteinte fondamentale à la vie que représentait pour lui l’I.V.G. qu’il s’opposait. Or, dans les deux dossiers sur lesquels planche actuellement l’Assemblée nationale française, la vie n’est nulle part remise en question.

Le second de ces dossiers est bien sûr celui de l’adoption par des couples de même sexe (1), ratifiée en Belgique trois ans et demi plus tard (c’est-à-dire mi-2006), malgré l’opposition des partis chrétiens (flamand et wallon) et… des libéraux francophones, dans leur ensemble !!! Notre pays rejoignait ainsi les précurseurs en la matière, à savoir le Danemark (1999), les Pays-Bas (2001), la Suède (2003), la pourtant traditionnellement très catholique Espagne (2005) et le Royaume-Uni (la même année).

Chacun est libre de penser ce qu’il veut de l’institution maritale. Personnellement, j’ai des raisons très objectives de la considérer comme un tue-l’amour, un antidote conservatif au romantisme, voire même une fossilisation sentimentale. Mais je n’oblige personne à partager ce point de vue, et si pareil corset permet à d’autres de tendre vers l’harmonie, ceux-ci bénéficieront de tous mes encouragements, qui plus est si la raison principale pour laquelle ils choisissent de le porter est la sécurisation juridique de leurs petits de femme et d’homme. Souvent, en effet, ces couples n’ont pas attendu la loi pour s’assurer une progéniture. Mais ils en ont un besoin impérieux pour mettre un terme à d’humiliantes discriminations.

Prenez Lindsay et Mélanie, un couple de lesbiennes plus ou moins kasher. Unies et aimantes, elles décident de recourir à la pompe à sperme de Brian, un ex platonique de Lindsay qui a viré gay depuis lors. Naît Gus. A six ans, Gus nécessite une courte hospitalisation en raison d’une rubéole aiguë. Mélanie souhaite lui rendre visite, mais elle est confrontée à une infirmière rigoriste qui le lui interdit parce qu’elle n’est pas la mère naturelle de Gus. C’est à ce genre de situations que sont destinés à répondre les projets de loi ad hoc.

Le mariage ne relève ni du Coran, ni de la Bible, ni de la Torah. Il n’en est pas moins une institution à caractère religieux. Certes, c’est de l’union civile que prétend traiter la loi française, mais les vieux symboles sont, pour certains, sources de confusion. Pourtant, si la vie est mouvement, émergence, nouveauté, diversité, soutenir qu’il importe de la faire évoluer dans un carcan prédéterminé revient à la mettre à mort : tout serait ainsi figé à jamais en une perpétuelle image prétendument iconique dont le cliché bibliographique remonterait quasiment à la nuit des temps. Comme si homme et femme en étaient encore à requérir l’assistance religieuse pour comprendre que la perpétuation de l’espèce relève encore largement de l’interaction entre organes sexuellement distincts. Comme si Dieu – quelle que soit l’appellation dont il est affublé – pouvait se réjouir d’une Création à jamais statique. C’est à la vie que s’opposent les détracteurs du mariage d’homosexuels, et c’est la mort – lisez : l’institution en tant qu’institution – qu’ils promeuvent.

Dès lors qu’un choix individuel ou collectif n’implique pour autrui aucune contrainte, en quoi quelqu’ institution que ce soit – en quoi même la société – aurait-elle un iota à y redire ? Si Dieu (quel que soit, une fois encore, le cri de ralliement humain auquel il est soumis) est à l’origine de l’univers, tout indique qu’Il y a opté et qu’Il a opté sur Terre pour la variété des occurrences. Aller à l’encontre d’une telle évidence manifeste, est-ce bien halal ? Le refus de faire face au miroir – celui que tend l’homosexuel, en l’occurrence – par crainte du reflet qu’il nous renverra, n’est-ce pas là ce qui suscite irritation, incompréhension et arrogance ? Qui est sûr de n’être en rien menacé par la possibilité d’une équivalence n’a rien à craindre. Il n’a pas davantage à recourir à la moindre violence pour conjurer un possible dont, par méconnaissance de soi, il ne parvient pas à s’extraire : l’homophobie ne naît pas des homosexuels, elle trouve son origine dans le rejet compulsif et passionnel par ceux qui en sont empreints de la possibilité qu’ils puissent eux-mêmes être tentés par une perversion à laquelle ils craignent de se confronter, de sorte que toute violence homophobe peut être interprétée comme l’expression abjecte et bassement puérile d’une violence contre soi-même.

Est-ce à écrire, pour autant, que le mouvement homosexuel contemporain, celui qui s’est, pour le meilleur et pour le pire, largement affranchi des excès et des provocations assumées des années soixante et septante, dont nul ne pouvait le forcer à demeurer tributaire, pour se fondre (en public) dans le moule consensualiste et consumériste est un exemple de progressisme ? Certaines tendances, qui visent l’amalgame et dénient à l’individu sa capacité de choix, sont inquiétantes…

Ainsi de cette obsession de l’outing. Au nom de quoi, en effet, un groupe déterminé pourrait-il exercer sur des individus une pression telle qu’elle les oblige à choisir un camp ? « Une place pour chaque chose et chaque chose à sa place », serait-ce là la recette du bonheur ? Et à combien de reprises, auprès de combien d’interlocuteurs, dans combien de contextes, serait-il, dans ce cas, nécessaire de se distinguer uniquement sur base d’une préférence sexuelle, c’est-à-dire d’une catégorie fortement limitative ? Si l’homosexualité devient elle-même une institution, elle se mue par là même en menace pour la liberté éthique individuelle, seule et unique cause réellement progressiste.

Et que dire, en sus, de cette fâcheuse tendance importée d’outre-Atlantique qui consiste à présenter l’homosexualité comme un déterminisme inné face auxquels les individus atteints seraient impuissants ? « Ce n’est pas ma faute, je suis né comme ça » n’est pas seulement un argument dépourvu de consensus scientifique, c’est aussi une manière d’échapper à un questionnement plus profond et de figer dans le marbre un trait de personnalité, faisant perdre son sens à la notion de préférence sexuelle. Car si je suis né comme ça, je resterai comme ça ad vitam aeternam. Mon ‘être étant’ (agissant) est donc indépendant de ma volonté, guidé par quelqu’obscur principe (génétique et/ou divin) dont je n’ai pas la maîtrise et qu’il ne me faut donc pas – pour aller jusqu’au bout de la logique – assumer démesurément. Un tel raisonnement est tout sauf progressiste !

Voilà tout le paradoxe de cet élément du débat : généralement utilisé par des homosexuels comme une parade à la position de maints conservateurs selon laquelle, résultant d’un choix, l’homosexualité peut être contrecarrée – il existe, aux Etats-Unis, ce que l’on pourrait appeler des cliniques de désintoxication à l’homosexualité – , le postulat déterministe forge un nouveau conservatisme, d’autant plus insidieux qu’il est porté avec éclat et fierté par tout ce que le showbiz compte de fabricants dégénérés de pseudo-consensus à deux sous (« Born This Way ») !

En cette matière, la question consiste donc à déterminer si tronquer le débat avec les réactionnaires, et parallèlement le rendre quasiment tabou en interne, considérant l’hypothèse qui précède comme chose acquise, au point de renier la valeur de liberté individuelle, qui constitue le socle du combat des homosexuels, témoigne d’une évolution des mœurs positive ou fait office, au contraire, de cadeau empoisonné aux progressistes dans leur ensemble. « Que celui qui objecte parle maintenant, ou se taise à jamais… »

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(1)    Source : http://www.lemonde.fr/europe/article/2006/04/21/en-belgique-les-homosexuels-pourront-adopter_763967_3214.html

Le site-forum belge qui suit est entièrement consacré à la question : http://homoparentalites.forumactif.com/

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STOP A L’ASSISTANAT AUX ENTREPRISES EN BELGIQUE !

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« Bekaert ne paie pas un euro d’impôt ! (1) »

03 février 2012

La décision de Bekaert de supprimer 600 emplois continue de faire des remous. Il faut dire que le géant de l’industrie avait signé une déclaration écrite pour le maintien du personnel voici moins d’un an… et n’aurait pas payé le moindre impôt durant au moins cinq ans.[…] »

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Goliath a tout : une luxueuse demeure avec piscine et terrain verdoyant de quarante hectares à Uccle, une bonne, un jardinier, un cuisinier et un chauffeur, ainsi que cinq ou six secondes résidences, réparties de par le globe, parmi lesquelles une île hellénique. Goliath est le président du conseil d’administration de Bèèkrat, une méga-entreprise cotée en bourse. Comme nombre de ses petits camarades, Goliath n’a, malgré ses plantureux bénéfices, payé aucun impôt ces cinq dernières années. C’est que Bèèkrat met à l’emploi un grand nombre de David : merci Bèèkrat ! Si tel est le cas, c’est bien sûr par altruisme et implication sociale, non parce que lesdits salariés permettent à Bèèkrat de réaliser ses plantureux bénéfices…

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« L’endoctrinement consiste à user avec régularité de divers moyens de pression psychologique tels que la peur, l’espoir, la culpabilité ou encore le martèlement indéfini des mêmes affirmations, l’entraînement socio-affectif, etc., en s’employant à court-circuiter les capacités de réflexion critique de celui dont on se propose de modifier les pensées, voire la personnalité. D’une façon générale, l’endoctrinement est donc une forme de manipulation mentale. » (Wikipedia)

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Mais Goliath n’est pas content : ses David sont fainéants et goinfres : exigence du maintien de l’indexation de leur salaire, refus de licenciements. Ils ont été gâtés, les bougres ! Goliath pleure et geint à longueur de journée : « ouiiin, ouiiin, ouiiin », l’entend-on gémir depuis son jacuzzi géant, adjacent à la sixième chambre d’ami de son manoir principal. Et Goliath menace : « des David, il y en a partout. Si vous n’êtes pas satisfaits, moi, je me casse ! Ailleurs, ils sont contents de nettoyer mes chiottes en dehors de leurs heures de travail pour pouvoir continuer de me servir. Adaptez-vous, bande de mauviettes ! »

Le PGD (parti des Goliath décomplexés), en substantiel recul, a entendu leur appel. Le PSO (parti sécessionniste obsessionnel) aussi : ces David et les spectres livides de toute nature qui n’ont pas le bon goût de se prosterner au passage de Goliath n’ont que trop profité. Ils doivent être exterminés socialement ! Haro sur leur aumône, qui grève le budget de l’Etat ! « Puisque Goliath permet à ses salariés de survivre, il ne devrait, en échange, payer qu’un impôt symbolique », scandent-ils à la cantonade.

*******

« Isoc : le « vrai » taux chute à 9,8 % (2)

11 mai 2012

L’impôt des sociétés «officiel» est à 33,9 % en Belgique mais ce que paient réellement nos entreprises est tombé sous la barre des 10 % en moyenne, selon Itinera. […].

[…]

Le taux effectif moyen d’imposition des sociétés a diminué de moitié en dix ans : alors qu’il était de 20 % en moyenne en 2001, le taux d’imposition des sociétés était en-dessous des 10 % en 2009, ressort-il d’une analyse du groupe de réflexion Itinera Institute que Le Soir relaie vendredi.

En théorie, l’impôt des sociétés (Isoc) s’élève à 33,9 % des bénéfices des entreprises, ce qui en fait un des taux les plus élevés d’Europe. Mais grâce à de nombreux mécanismes financiers et fiscaux, les entreprises peuvent faire baisser ce taux. En 2009, le taux effectif était de 9,8 %.

Dans le même temps, le bénéfice des entreprises augmente. Entre 2001 et 2009, il a presque doublé, pour atteindre 91,89 milliards d’euros au total. […] »

*******

Tableau du 30 novembre 2011 (3)

Rang

Société

Bénéfice avant impôt

Impôts

Taux

Ristourne

1

EXXONMOBIL PETROLEUM & CHEMICAL

4.170.332.000 €

10.000 €

0,00%

1.417.485.847 €

2

SOLVAY

2.754.024.000 €

0 €

0,00%

936.092.758 €

3

TELENET GROUP HOLDING

1.412.287.000 €

0 €

0,00%

480.036.351 €

4

ARCELORMITTAL FINANCE AND SERVICES BELGIUM

1.394.711.000 €

0 €

0,00%

474.062.269 €

5

DISTRIGAZ – DISTRIGAS

1.516.659.000 €

71.583.000 €

4,72%

443.929.394 €

6

FRERE-BOURGEOIS

1.035.459.000 €

0 €

0,00%

351.952.514 €

7

SAGIP

965.057.946 €

0 €

0,00%

328.023.196 €

8

GLAXOSMITHKLINE BIOLOGICALS

1.255.644.000 €

113.362.000 €

9,03%

313.431.396 €

9

GDF SUEZ CC

745.573.000 €

1.451.000 €

0,19%

251.969.263 €

10

TRUVO BELGIUM

720.140.000 €

56.000 €

0,01%

244.719.586 €

11

ELECTRABEL

807.690.000 €

35.423.000 €

4,39%

239.110.831 €

12

BASF ANTWERPEN

446.202.000 €

0 €

0,00%

151.664.060 €

13

FINANCIERE DE LA SAMBRE

475.740.066 €

0 €

0,00%

161.704.048 €

14

STATOIL COORDINATION CENTER

509.289.000 €

15.502.000 €

3,04%

157.605.331 €

15

DELIMMO

452.919.549 €

5.565 €

0,00%

153.941.790 €

16

PUBLIGAZ – PUBLIGAS

401.673.444 €

0 €

0,00%

136.528.804 €

17

ACCOR HOTELS BELGIUM

323.023.178 €

0 €

0,00%

109.795.578 €

18

UMICORE

303.649.000 €

0 €

0,00%

103.210.295 €

19

DRAKKAR HOLDINGS

301.081.074 €

0 €

0,00%

102.337.457 €

20

THOMAS COOK BELGIUM AFGEKORT THCB

294.243.175 €

46.696 €

0,02%

99.966.559 €

21

BELGACOM GROUP INTERNATIONAL SERVICES

290.556.000 €

0 €

0,00%

98.759.984 €

22

IKEA SERVICE CENTRE

297.379.000 €

4.628.000 €

1,56%

96.451.122 €

23

DRAKKAR GROUP

292.695.729 €

4.509.115 €

1,54%

94.978.163 €

24

EDF INVESTISSEMENTS GROUPE

272.927.000 €

1.215.000 €

0,45%

91.552.887 €

25

TAMINCO GROUP

257.447.000 €

0 €

0,00%

87.506.235 €

26

BELPARFI

254.827.291 €

223.499 €

0,09%

86.392.297 €

27

HOLCIBEL

252.945.000 €

3.096.000 €

1,22%

82.880.006 €

28

FIBELPAR

243.626.000 €

0 €

0,00%

82.808.477 €

29

HANNINVEST

251.629.344 €

3.982.723 €

1,58%

81.546.091 €

30

SEA – INVEST

235.959.757 €

65 €

0,00%

80.202.656 €

31

TAMINCO

271.080.013 €

12.988.669 €

4,79%

79.151.427 €

32

STATKRAFT TREASURY CENTRE

248.536.000 €

6.140.000 €

2,47%

78.337.386 €

33

VANDEMOORTELE

230.041.536 €

0 €

0,00%

78.191.118 €

34

UCB

220.546.000 €

1.326.000 €

0,60%

73.637.585 €

35

UCB PHARMA

217.855.000 €

855.000 €

0,39%

73.193.915 €

36

COBREW

212.500.000 €

0 €

0,00%

72.228.750 €

37

FORTUM PROJECT FINANCE

211.521.000 €

0 €

0,00%

71.895.988 €

38

DEXIA INVESTMENT COMPANY

209.756.000 €

729.000 €

0,35%

70.567.064 €

39

EXXONMOBIL BELGIUM FINANCE

207.776.000 €

234.000 €

0,11%

70.389.062 €

40

INDUSTEEL BELGIUM

205.956.986 €

0 €

0,00%

70.004.780 €

41

LSF SC HOLDINGS

202.804.072 €

0 €

0,00%

68.933.104 €

42

GBL TREASURY CENTER

202.224.000 €

0 €

0,00%

68.735.938 €

43

FOURCAR BELGIUM

184.277.882 €

0 €

0,00%

62.636.052 €

44

DANONE FINANCE INTERNATIONAL

187.048.000 €

2.277.000 €

1,22%

61.300.615 €

45

ALIPLAST ALUMINIUM EXTRUSION

180.501.062 €

137.154 €

0,08%

61.215.157 €

46

TESSENDERLO CHEMIE

176.508.924 €

0 €

0,00%

59.995.383 €

47

USG PEOPLE INTERSERVICES

174.346.555 €

4 €

0,00%

59.260.390 €

48

MOUTERIJ ALBERT

173.250.000 €

828.000 €

0,48%

58.059.675 €

49

SNACK VENTURES EUROPE

170.149.276 €

0 €

0,00%

57.833.739 €

50

SABAM

168.851.317 €

0 €

0,00%

57.392.563 €

TOTAL

26.990.919.176 €

280.608.490 €

1,04%

8.893.604.938 €

*******

Certes, le taux nominal (linéaire) d’imposition est contrebalancé un peu partout par des niches fiscales, des ristournes d’impôt considérables et des cadeaux divers et variés. Mais, comme le dit Uncle Goliath, vous pensez bien que ce n’est pas suffisant.

*******

Revenu taxable ($)

Taux nominal d’imposition des entreprises aux Etats-Unis

De 0 à 50.000

15 %

De 50.000 à 75.000

7.500 $ + 25 % du montant supérieur à 50.000

De 75.000 à 100.000

13.750 $ + 34 % du montant supérieur à 75.000

De 100.000 à 335.000

22.250 $ + 39 % du montant supérieur à 100.000

De 335.000 à 10.000.000

113.900 $ + 34 % du montant supérieur à 335.000

De 10.000.000 à 15.000.000

3.400.000 $ + 35 % du montant supérieur à 10.000.000

De 15.000.000 à 18.333.333

5.150.000 $ + 38 % du montant supérieur à 15.000.000

18.333.333 et plus

35 %

(4)

 « Le système d’imposition belge des sociétés est très complexe et semble instable : une simplification améliorerait la perception des investisseurs étrangers, selon la Chambre de commerce américaine en Belgique (AmCham), qui présentait mercredi son rapport annuel intitulé Priorités pour une Belgique prospère.

 Isoc. Si l’impôt nominal des sociétés est de quelque 34 % en Belgique, plusieurs mesures font qu’il est plus bas dans la pratique. Les investisseurs étrangers ont donc une perception complexe du système, selon Scott Beardsley (AmCham Belgium), qui plaide dès lors pour une simplification et un abaissement de l’impôt des sociétés en Belgique afin d’attirer de nouveaux investissements et de créer de nouveaux emplois.

Coûts salariaux. La priorité absolue de l’AmCham reste toutefois les coûts salariaux : «Nous avons un handicap de 8 % à 9 % par rapport à nos voisins», déplore Marcel Claes, CEO de l’AmCham Belgium. L’organisation maintient sa position d’appliquer l’indexation automatique des salaires sur une partie du salaire.

Selon Scott Beardsley, les sociétés actives dans plusieurs pays pourraient déplacer certains postes de la Belgique vers d’autres contrées en raison des coûts salariaux trop élevés. Les entreprises américaines présentes en Belgique occupent 140.000 travailleurs directs, selon l’AmCham. » (5)

(6)

 *******

Les David qui s’affairent aux tâches ingrates, celles en rapport avec l’humain (secteur public, ONG, ASBL, secteur du non-marchand), n’ont qu’à bien se tenir : s’ils souhaitent échanger leurs cacahuètes contre un vrai salaire, ils doivent renoncer ou accepter, selon le cas, d’être intégrés dans la structure Bèèkrat. C’est comme ça et pas autrement : c’est la démocratie !!!

 ___________

(1)    Source : http://trends.levif.be/economie/actualite/entreprises/bekaert-ne-paie-pas-un-euro-d-impot/article-4000038742222.htm

(2)    Source : http://trends.levif.be/economie/actualite/entreprises/isoc-le-vrai-taux-chute-a-9-8/article-4000093833269.htm

(3)    Source : http://www.ptb.be/nieuws/artikel/top-50-des-entreprises-beneficiant-le-plus-de-ristournes-fiscales.html

Depuis la publication de cette enquête, aucun démenti sérieux n’est venu contredire les chiffres publiés.

(4)    Source : http://www.irs.gov/pub/irs-pdf/i1120.pdf

Ce tableau, contenu dans l’addendum au formulaire d’impôt des sociétés 2011 des Etats-Unis, indique le taux nominal (linéaire) d’imposition des entreprises. Il est à mettre en relation avec le graphique qui suit, lequel indique, quant à lui, le taux effectif (réel) d’imposition des entreprises aux Etats-Unis, après soustraction des ristournes fiscales diverses et variées (dont certaines liées à des paradis fiscaux intra muros, l’Etat du Delaware par exemple).

(5)    Source : http://trends.levif.be/economie/actualite/politique-economique/la-belgique-doit-reduire-l-impot-des-societes/article-4000107109708.htm

(6)    Source : Réserve fédérale (=banque centrale) américaine

____________

N.B. : les déclarations qui illustrent les photos contenues dans ce post sont celles, récentes, de dirigeants de fédérations de (très) grosses entreprises belges et / ou flamandes, dont voici les sources respectives (en néerlandais) :

http://www.express.be/business/nl/economy/ondernemers-noemen-tax-freedom-day-controproductief/161869.htm

http://www.express.be/sectors/nl/public/vbo-geen-voorstander-van-vermogensbelasting/131538.htm

http://www.express.be/business/nl/hr/indexsprong-moet-belgie-behoeden-voor-zuid-europese-toestanden/162886.htm

http://www.express.be/sectors/nl/public/herzien-notionele-aftrek-kan-geen-optie-zijn/142749.htm

http://www.express.be/business/nl/hr/belgi-heeft-70000-ambtenaren-teveel/127423.htm

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La Réserve fédérale américaine ? SUPER-TRICHEUSE ! Bosse, fourmi : il y va de ta compétitivité !!!

Si ce qui est rare est cher, alors, logiquement, ce qui est abondant perd de la valeur (de l’intérêt).

L’abondance peut être factice. Si elle est mise au service de l’économie réelle, elle peut relancer temporairement celle-ci (taux d’intérêts peu élevés –> facilité de crédit –> nouveaux projets individuels / nouvelles entreprises / adjuvants pour le commerce extérieur –> une poignée d’emplois).

Si, en revanche, elle sert une nouvelle fois à rassasier la Bête gloutonne connue sous le nom de « marchés »,  générant une nouvelle bulle, il faudra bien que la valeur perdue, avalée par l’économie spéculative (1), soit récupérée quelque part dans l’économie réelle (inflation, c’est-à-dire augmentation des prix sans distinction de revenus –> consommation en baisse –> récession –> accentuation de la crise –> émeutes sociales –> guerre ?).

Enfin, si la valeur dépréciée de manière factice fait l’objet d’un échange avec une autre valeur par ce fait et d’autres sur-appréciée – voire appréciée à sa juste valeur – il ne peut être question de concurrence libre et non faussée.

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« Marché: l’indice Dow Jones pulvérise les 13.500 points après les décisions de Bernanke.

Par Cercle Finance, 14/09/2012

Ben Bernanke a donné à Wall Street ce que Wall Street espérait… Voilà l’un des titres illustrant la fin de la séance sur les medias anglo-saxons.

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CONCLUSIONS

1 / Le socle du Traité de Lisbonne est marécageux.

2/ La mise en concurrence de modèles sociaux et environnementaux antipodaux n’est pas le seul argument contre le dogme de compétitivité globale. La tricherie effrontée en est un autre !

3/ Nos élus le savent, mais la plupart d’entre eux relaient la propagande concurrentielle ou se taisent. Ils sont donc impuissants et complices !

4/ Les inactifs pauvres sont cloués au pilori par la droite comme des profiteurs du système, alors que la classe moyenne est la bête de somme de la Bête de Wall Street.

5/ il est à supposer que, par l’entremise de son ami de trente ans Clinton, Obama ait fait, pour sa réélection, un deal avec Wall Street et la mafia bancaire.

6/ La mafia spéculative états-unienne continue de plus belle : elle n’a tiré aucune conclusion de ses fautes. La privatisation des profits et des dons publics et la socialisation des pertes sont plus que jamais d’actualité !

COMPETITIVITE = PIEGE A PD ! AU CUL, AU CUL, AUCUNE UTILITE !!!

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Semaine internationale des petits pois : exercice d’esprit critique…

Avant toute chose, le constat : nous sommes tous cons. Cons au-delà de con. D’une connerie aux proportions gargantuesques, universelles, métaphysiques. C’est fou ce que nous sommes cons ! Nous tous, autant que nous sommes ! Oui, oui, vous aussi, vous, là ! Dieu – une fois devient coutume – me le disait encore ce matin.

–          « Yannick », me glissa-t-Il à l’oreille…

–          « Putain, qui est là ? », répondis-je, « arrêtez de déconner, c’est pas drôle ! »

–          « Yaaannnick ! », insista-t-Il d’une voix grave, comme pour affirmer Son autorité.

–          « Euh, oui, Seigneur », balbutiai-je…

–          « Nous avons une mission à te confier ! »

–          « Je vous écoute, Monsieur… »

–          « T’es un peu con, mais ici, au Paradis céleste, On aime assez ton blog. Tu Nous fais marrer de temps en temps. L’autre jour, Gabriel Nous disait encore à quel point tu lui semblais prometteur. »

–          « C’est un honneur, Majesté, euh, je suppose… »

–          « Le temps n’est plus aux commandements, mon fils. Mai ’68 a bousillé l’autorité. Après avoir bien joui, Nous avons dû Nous adapter, Nous aussi. Et Nous sommes arrivés à la conclusion que l’esprit de l’Homme (et de la Femme, autre évolution malheureuse) requérait non les diktats, mais la persuasion. »

–          « Oui, vénéré Maître, mais encore… »

–          « Nous sommes en pleine procédure de sélection de nouveaux prophètes de par le monde. Tu pourrais être l’un d’eux. »

C’est bien ce que je craignais, bordel ! Une vie de pénitence et de lamentation : miserere, miserere ! Jamais plus ma bite ne verrait un p’tit cul !

–          « Rassure-toi, bonhomme, les trous noirs ne te sont proscrits. Il te faudra simplement veiller à ne pas t’y laisser entièrement aspirer, car l’homme est faible, et la queue retorse ! »

Je commençais vraiment à me demander où Il voulait en venir. A la vérité, j’en avais un peu marre…

–          « Si Nous te faisons chier, tu le dis, hein… N’oublie pas que Nous lisons tes pensées, créature terrestre ! Tu devras compter avec Nous. Toujours ! Jamais Nous n’abandonnerons ! Jamais ! Jamais ! Jamais ! Jamais ! Jamais. »

Ouh là, je L’avais vexé. Fallait que je me calme, et que je trouve en mon for intérieur la sérénité qui me permettrait d’être sans résister. « La seule liberté, c’est de se donner comme les pétales d’une fleur »,  avait dit le chef d’orchestre…

–          « Nous Nous désolons du manque d’esprit critique de l’humanité, car celui-ci l’éloigne de Nous. Dans un premier temps, Nous allons donc te télétransmettre un certain nombre d’affirmations brutes (six pour commencer) à poster sur ton blog. Nous resterons en contact online pour évaluer les réactions des mécréants de toutes natures. L’heure est grave, mon fils. Ici et là, l’ange déchu rameute ses troupes pour l’affrontement final. Ta planète est Notre joujou, et Nous ne laisserons pas ce fourbe la détruire !!! »

J’étais cuit : Il avait dû apercevoir le symbole ‘yin et yang’ qui orne mon blog, et, plus grave encore, les cornes dont j’avais affublé mon portrait. La sentence divine ne tarderait pas : probablement serais-je télépathiquement réduit en cendres dans la minute qui suivrait.

–          « Nous savons ! Et c’est pas bien, Yannick. Mais ne fais pas ta vierge effarouchée : t’es un chic type, au fond. Nous te connaissons bien ! Tu es récupérable ! Veille juste à te tenir à l’écart du Duquesnoy : il n’a pas bonne réputation ici-haut. Allez, à plus ! »

J’entrepris donc avec fierté, quelque crainte aussi, mais peu d’illusions, de transcrire illico la toute première partie de la nouvelle Œuvre divine, non sans me demander qui pouvaient bien être les autres prophètes en devenir…

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PREMIERE AFFIRMATION

« Dans « L’Innocence des Musulmans », la brillante œuvre cinématographique qui narre à sa manière l’épopée de Mahomet, ce dernier ressemble furieusement à Jésus, voire à Moïse… »

DEUXIEME AFFIRMATION

« Sam Bacille, alias Alan Roberts, alias Nakoula Bassely Nakoula, est le nouveau Martin Scorsese. »

TROISIEME AFFIRMATION

« Hollywood a surgi du centre de la Terre. »

QUATRIEME AFFIRMATION

« Tim Dax est sexy. »

CINQUIEME AFFIRMATION

« L’intolérance et le fanatisme sont pires encore lorsqu’ils émanent d’individus réputés éduqués. »

SIXIEME AFFIRMATION

«  Toutes ces histoires de peuple élu, c’est vraiment n’importe quoi. Ces enfoirés ont vraiment pris ça à la Lettre. »

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Ressources laïques complémentaires :

http://www.huffingtonpost.com/2012/09/13/anti-muslim-film-innocent-muslim-christian-jew_n_1882054.html?utm_hp_ref=libya

http://www.lemonde.fr/afrique/article/2012/09/13/zones-d-ombre-et-revelations-d-une-traque-autour-de-sam-bacile_1759853_3212.html

http://www.newyorker.com/online/blogs/johncassidy/2012/09/mitt-romney-and-libya-how-it-unfolded.html

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Elections législatives aux Pays-Bas : le vainqueur numérique est le perdant politique !

Les élections du 9 juin 2010 avaient consacré l’éphémère montée en puissance d’un parti, le Parti dit de la Liberté, qui se revendiquait ouvertement anti-arabe, anti-islam (et non point uniquement anti-salafiste), anti-européen et anti-polonais (pour nous limiter à cette énumération), dont le leader alors charismatique, adepte des bons mots et des one-liners outranciers, s’était avéré, après des discussions approfondies – interminables, diront certains, la Belgique n’ayant en cette matière de leçon à donner à personne – entre les partenaires éventuels d’une future coalition gouvernementale, en mesure de fournir, en octobre de la même année, l’appoint nécessaire à la constitution d’une majorité bleue marine / orange (c’est-à-dire composée des libéraux-conservateurs et des démocrates-chrétiens, au prix d’un important clivage au sein de ces derniers), sans pour autant intégrer lui-même le gouvernement.

Le 23 avril dernier, après que le parti d’extrême-droite qui soutenait le gouvernement Rutte du dehors a refusé d’accorder son fiat à un budget 2013 plus ou moins imposé par le leitmotiv de rigueur européen du moment, par lequel le grand schtroumf aux manettes s’apprêtait une nouvelle fois à réduire drastiquement les dépenses de sécurité sociale, ledit gouvernement n’a eu d’autre solution que de convoquer, un an et demi à peine après sa formation, des élections anticipées.

Entre-temps, c’est à une nouvelle coalition de circonstance composée des deux partis du gouvernement, désormais en affaires courantes, ainsi que des libérauxsociaux, des Verts et d’un petit parti chrétien conservateur, l’Union chrétienne, que reviendrait le délicat d’honneur de ratifier conjointement le budget présenté.

Après une campagne-éclair entamée en août, marquée par une recrudescence sans précédent du nombre de sondages (au minimum un par jour, jusqu’à la veille du scrutin), lesquels ont indubitablement permis aux instituts spécialisés de réaliser en un mois leur chiffre d’affaire trimestriel, et, parallèlement, par un encadrement médiatique intense (huit débats télévisés entre les têtes de listes, sans compter leurs innombrables apparitions individuelles), les électeurs néerlandais qui le voulaient – aucune obligation de vote aux Pays-Bas –, soit, en l’occurrence, plus de 74 % des personnes en âge de voter, ont pu déposer hier leur bulletin dans l’urne : point d’ordinateurs électoraux au menu cette fois, dans la mesure où un citoyen néerlandais clairvoyant, épris d’informatique, était parvenu à démontrer les nombreuses falsifications que rend possible le suffrage automatisé, et ainsi à imposer le retour en grâce du bon vieux vote papier.

Dans cette campagne, qui s’est caractérisée par le souci journalistique de vérifier – et, le cas échéant, de contester – la moindre affirmation factuelle avancée par les différents candidats, le quatrième pouvoir et les instituts de sondage ont donc joué un rôle immense, souhaitant contribuer sans doute à sortir le pays de l’ornière dans laquelle il s’était enfoncé fin 2010 : tout a été fait pour inciter les votants, en particulier les indécis, à exprimer une claire préférence, soit en faveur de l’ultra-lisse premier ministre sortant, soit en faveur de son challenger de gauche. En ce qui concerne l’identité de ce dernier, le doute a plané un temps : serait-ce le Mélenchon local, un affable et débonnaire instituteur, chouchou des sondages jusqu’à la fin août avant d’y subir curieusement recul sur recul, prétendument en raison de propos et d’une attitude parfois présentés comme patauds, ou le jeune leader des travaillistes, ancien dirigeant de Greenpeace Pays-Bas, coaché de chez coaché au point de se transformer en quelques semaines en bête politique glamour ? Les indications qui précèdent fournissent la réponse…

Voici la répartition des sièges de la Deuxième Chambre (Assemblée nationale), en fonction des résultats du scrutin d’hier (tels que communiqués par la télévision publique néerlandaise NOS)…

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1/ Libéraux-conservateurs : 41

2/ Travaillistes : 38

3/ Socialistes (gauche +) : 15

4/ Extrême-droite : 15

5/ Chrétiens-démocrates : 13

6/ Libéraux-sociaux : 12

7/ Union chrétienne : 5

8/ Verts : 4

9/ Protestants-conservateurs : 3

10/ Parti pour les Animaux : 2

11/ Parti des quinquas et + : 2

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Nombre de sièges à répartir : 150

Par conséquent, nombre de sièges requis pour une majorité simple : 76

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En fonction de ces résultats, plusieurs combinaisons sont possibles. Voici les principales…

Premier scénario (79 sièges) : coalition violette, composée des libéraux-conservateurs et des travaillistes (1 + 2, soit 2 partis)

Deuxième scénario (91 ou 94 sièges) : coalition violette élargie soit aux libérauxsociaux, soit aux socialistes (1+ 2 + 6 ou 1 + 2 + 3, soit 3 partis)

Troisième scénario (78 ou 84 sièges) : coalition de centre-gauche large (2 + 3 + 5 + 6, soit 4 partis), voire extra-large (les mêmes + 8 et 10, soit 6 partis)

Quatrième scénario (77 sièges) : coalition bleue-brune aromatisée au christianisme conservateur (1 + 4 + 5 + 7 + 9, soit 5 partis)

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Répéter ad nauseam un même message semble donc avoir payé auprès d’électeurs indécis ou assoupis dans l’éther médiatique : les libéraux-conservateurs et les travaillistes se détachent, en effet, largement de tous les autres partis. Mais c’est bien là le paradoxe de ce scrutin : les deux monolithes ainsi constitués semblent condamnés à s’entendre.

Toutefois, des alternatives existent, et elles pourraient être globalement en faveur de la gauche travailliste. La première de celles-ci est la coalition violette élargie aux libérauxsociaux, dont le leader s’est à tous moments, durant la campagne, présenté comme centriste. Les chrétiens-démocrates, plutôt très conservateurs dans la configuration actuelle, pourraient en principe eux aussi, malgré leur déroute, dépanner cet attelage, mais, en tout état de cause, quel intérêt objectif auraient les travaillistes à accepter d’entrer dans une coalition où ils ne bénéficieraient pas d’une influence égale à celle de leur rival ? A l’inverse, former un bloc de gauche avec les socialistes pourrait mécontenter un électorat libéral-conservateur auquel le premier ministre sortant n’a maladroitement cessé de promettre la poursuite en l’état de son agenda de droite dure. L’équilibre sera donc dur à trouver…

Rutte, le seul qui, avec l’Union chrétienne, n’a pas fermé la porte à une alliance avec l’extrême-droite (histoire, sans doute, de lui grappiller des électeurs), pourrait également se tourner vers les chrétiens-démocrates et les libérauxsociaux, saupoudrant cette indigeste concoction d’un zeste de protestantisme conservateur (qui se distingue notamment par sa muliérophobie, son antiféminisme, prononcé(e)). Si une telle coalition est mathématiquement concevable, il est acquis, cependant, qu’elle n’obtiendrait plus le soutien de chrétiens-démocrates échaudés par leur participation au dernier gouvernement et qui ont à encaisser aujourd’hui le score le plus bas de leur histoire, encore moins celui des libérauxsociaux.

Diederik Samsom, le playboy du parti travailliste, sait donc que, malgré les trois sièges qui le séparent de Rutte, c’est bel et bien lui qui a la main. En effet, si dans un premier temps, toutes les tentatives de constitution d’un gouvernement que tous veulent, cette fois, solide comme le roc pour pouvoir résister à la crise seront concentrées sur une alliance violette, l’alternative d’une large coalition de centre-gauche (agrémentée d’une touche de libéralisme dit social) demeure pour lui une carte à jouer beaucoup plus plausible qu’une coalition de droite dure. Certes, en politique, plus on est de fous, moins on rit, car chaque parti dépose sur la table ses propres exigences, mais cette possibilité met Samsom en position de faire monter les enchères face à l’intransigeance guimauve du premier ministre sortant. En outre, certains partis sont désormais dans une position telle qu’une participation gouvernementale est pour eux ni plus ni moins qu’un gage de survie. Dans ces conditions, leurs prétentions devraient être limitées…

S’il peut s’avérer risqué d’écarter le principal vainqueur de ce scrutin – une telle option ne pourrait certainement pas être envisagée avant de longues semaines (de longs mois ?) de négociations harassantes, mettre sur pied une coalition de (centre-) gauche n’en reviendrait pas moins à respecter le message clair lancé aux travaillistes par leurs troupes. Vraisemblablement, c’est aussi la seule hypothèse qui inclurait des chrétiens-démocrates déconfits mais qui se sentent traditionnellement la vocation à être aux affaires (Certains d’entre eux devraient néanmoins changer leur fusil d’épaule, mais c’est un exercice auquel ils sont habitués.), et – plus sensiblement encore – des Verts, pour lesquels cette élection est synonyme de bérézina, puisqu’ils ne conservent que quatre des dix sièges qu’ils avaient obtenus en 2010, les électeurs leur reprochant plus que probablement leurs bisbrouilles internes révélées sur la place publique, mais aussi leur manque de constance idéologique… Progressiste lui aussi, le Parti pour les Animaux, dont la plate-forme programmatique est loin de se limiter à son intitulé et dont les synergies avec les Verts sont évidentes, serait plus que le bienvenu dans un tel ensemble. Il ne resterait plus alors qu’à convaincre les libérauxsociaux de la plus-value qu’ils pourraient tirer d’un tel schéma. Entre la gauche et la droite, leur cœur balance, et rien ne s’oppose donc en principe à ce qu’ils intègrent une coalition de gauche, mais ils n’y seraient pas l’unique parti centriste. La clé à l’énigme consisterait donc à leur octroyer des portefeuilles qui leur permettraient, à eux comme aux chrétiens-démocrates, de se profiler d’une manière originale sans pour autant contrevenir à la substance de la coalition…

S’il y a fort à parier que, dans les jours et semaines qui viennent, l’essentiel de l’establishment des médias et du divertissement de grande écoute fera monter la pression pour que se constitue une coalition violette (élargie, le cas échéant), la gauche belge – où l’art des coalitions impossibles, accentué par le phénomène communautaire, est typique – ne peut, depuis des années, que rêver de la possibilité d’une coalition de centre-gauche, sans même évoquer une gauche majoritaire à la française… Si une telle chance se présentait à elle, elle la saisirait sans hésiter ! Bien sûr, elle ne dispose à ce stade que d’un ersatz de Mélenchon qui s’est trouvé sa vocation en quelque mois à peine, incapable qu’il était jusqu’alors d’expliquer ce qu’était le spread (ce qui en disait long sur sa connaissance de l’ennemi économique à combattre), alors que les Pays-Bas ont un Emiel Roemer à 15 sièges… Or, si certaines pointures médiatiques d’outre-Moerdijk considèrent encore le parti socialiste (lisez : communiste light) comme infréquentable, elles ne pourront qu’admettre qu’il a mis beaucoup d’eau dans son vin.

Après l’expérience ultra-droitière avortée de Rutte, la gauche centriste bénéficiera-t-elle d’une chance de montrer à son tour ce dont elle capable ? Pendant les dix dernières années, cinq élections législatives ont marqué la politique batave. Par conséquent, ni Monsieur Rutte ni Monsieur Samsom n’ignore qu’ils devront veiller à ne pas griller leurs cartes…

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N.B. : le présent article a été rédigé initialement dès que furent rendus publics par la chaîne NOS (www.nos.nl) les résultats considérés comme définitifs, sur base du décompte de 92,3 % des voix. Dans la mesure où de très légères modifications de la répartition des sièges sont survenues en cours de journée (quatre sièges pour les Verts au lieu de trois, un de moins pour les travaillistes), l’article a été légèrement modifié en conséquence, bien que celles-ci n’aient aucune influence majeure sur l’analyse qui en résulte. Il existait, en effet, un préaccord entre les véritables partis de gauche (travaillistes, socialistes et verts) quant au report de voix en cas de ballotage. Dans de nombreux cas, les travaillistes en ont bénéficié. Il n’est donc pas surréaliste d’imaginer que ceux-ci aient fait preuve de courtoisie (mathématique) à l’égard des verts, tombés à 3 sièges, en leur permettant d’avoir un strapontin supplémentaire (ce qui les amène eux-mêmes à 38 sièges au lieu des 39 annoncés dans un premier temps).

Autre modification, corrigée entre-temps par la NOS : seuls 149 des 150 sièges étaient répartis en milieu de nuit, ce qui était probablement dû au fait que les libéraux-conservateurs avaient fait l’embargo sur le siège restant, dévolu depuis lors aux protestants-conservateurs. C’est que, vers trois heures du matin, à l’occasion de sa seconde apparition devant ses affidés, le premier ministre sortant avait, après avoir, pour la politesse, félicité son principal rival pour le score obtenu, rendu un cryptique hommage aux antiféministes…

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ADDENDUM (12/04/14) – Pays-Bas, massacre à la tronçonneuse des allocataires sociaux (par une secrétaire d’Etat sociale-démocrate) : lorsqu’un allocataire n’est plus un citoyen !

L’article qui suit puise ses informations, entre guillemets ou non, dans la prise de position suivante, rédigée par la Ligue néerlandaise de l’Assistance sociale (Vereniging Bijstandsbond) sur base des éléments contenus dans la loi Travail et Assistance sociale (WWB), destinée à entrer pleinement en vigueur en janvier 2015 :

http://www.konfrontatie.nl/blog/content/over-het-wetsvoorstel-wwb-maatregelen

« Le 11 juin 2006, la tête de liste du [parti libéral] VVD Mark Rutte avait déclaré : « d’ici à quatre ans, on aura supprimé l’assistance sociale ». Ca a pris un peu plus de temps que prévu, mais le projet est en bonne voie, sous la houlette d’une secrétaire d’Etat sociale-démocrate »…

Pour rappel, le gouvernement Rutte II s’est constitué 54 jours seulement après le vote. Les négociations entre les libéraux-conservateurs (VVD) et les travaillistes (PvdA) furent expéditives…

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« […] Le fossé entre les pauvres et les riches s’est élargi, les riches devenant toujours plus riches, les pauvres toujours plus pauvres. Un plus haut niveau d’imposition pour les personnes qui ont déjà énormément d’argent est tabou ; ce sont les pauvres qui écopent. »

Les mesures prévues par la loi dont question sont les suivantes, à peine amendées par la Tweede Kamer (Chambre des Représentants) :

– Introduction d’une norme de partage des coûts, ce qui signifie concrètement que plus des personnes sont nombreuses à vivre sous un même toit, plus leur allocation diminuera. Ceci concerne non seulement l’allocation de chômage, mais aussi les pensions de retraite et d’autres allocations telles que l’allocation invalidité pour les malades chroniques.

Exemples :

• une personne adulte chercheuse d’emploi qui, pour x raisons, vit avec un parent retraité verra son allocation  allégée de 202 € / mois, le parent sa pension de retraite de 283 € / mois.

• Deux retraités cohabitants non mariés verront leurs pensions réduites globalement de 566 € / mois
La vérification de ces statuts sociaux implique « qu’une batterie de contrôleurs, d’assistants de prévention et d’enquêteurs sociaux (qui restent à nommer) effectueront bientôt des visites à l’improviste dans les domiciles privés des personnes concernées, ce qui suppose […] une atteinte grave à leur vie privée. »

– Instauration obligatoire d’une contrepartie en échange de l’allocation perçue, sous la forme de « travaux d’intérêt général non rémunérés ». Un refus de collaborer signifiera une retenue sur allocations. Aucune garantie n’est apportée quant à la correspondance entre les compétences et l’expérience d’une part, et la nature du travail à exercer d’autre part. Aucune garantie n’est apportée, par ailleurs, quant à une éventuelle embauche ultérieure. « En raison de l’absence de formulation des droits de l’allocataire social dans ce genre de situation, l’arbitraire s’insinuera encore davantage » dans la loi par le biais de cette mesure.

– « Il sera interdit aux allocataires sociaux d’entraver leur processus de recherche d’emploi en ne soignant pas leur apparence, en portant des tenues vestimentaires et / ou en manifestant une attitude inappropriées. Si le chercheur d’emploi ne se comporte pas comme le manager clients lui ordonne de se comporter, ou si ce dernier est d’avis que le chercheur d’emploi est mal habillé, le chercheur d’emploi s’exposera à une exclusion du bénéfice des allocations de chômage de maximum trois mois. Cette règle ridicule soumettra l’allocataire social à une appréciation subjective et arbitraire selon laquelle la moindre raison pourra être invoquée pour l’écarter. »

– « Si les instances responsables du paiement des allocations estiment qu’il est question, dans le chef d’un allocataire, d’un comportement inadapté à l’égard desdites instances ou de leurs fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions, son allocation sera suspendue pendant trois mois. »

– « La suspension des obligations d’insertion professionnelle des parents à famille monoparentale sera supprimée. […] L’on ne peut [pourtant] pas s’indigner à la vue de tous ces jeunes en manque d’amour et d’attention qui rôdent le long des rues parce que personne ne les attend à la maison à la fin de leur journée scolaire » et exiger en même temps des mères monoparentales qu’elles cherchent du travail.

– Etc. etc.

« C’étaient initialement les sans-papiers qui avaient fait l’objet de telles exclusions sévères. Les enfants pouvaient être mis à la rue. Ceux qui ne peuvent être expulsés du pays ont certes droit à des médicaments, mais pas à un hébergement, ni même à un peu de nourriture. L’exclusion de ce groupe social a été acceptée par la société. A présent, c’est au tour des allocataires sociaux ! »

« Lorsqu’ils sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit : je n’étais pas communiste.
… »

Un autre exemple : un père de famille déclaré apte au travail (malgré de nombreux soucis de santé) n’envoie pas suffisamment de candidatures au goût de son gestionnaire de dossier Pôle Emploi ? Son allocation sera suspendue pendant trois mois. Il s’agit, dans ce cas, d’une allocation familiale. Résultat : sa partenaire et ses enfants se retrouveront sans ressource pendant trois mois, alors qu’il est établi que la famille ne dispose d’aucun autre revenu. Si ce père de famille avait commis un crime, il aurait été emprisonné, auquel cas il aurait bel et bien pu continuer de s’occuper financièrement de sa famille.

« La nouvelle procédure s’accompagnera [bien sûr] de tout un moulin administratif sous la forme de formulaires à compléter, d’entretiens avec des managers clients, de délais considérables avant une quelconque prise de décision, etc. […], et mènera à une augmentation des coûts opérationnels, à davantage de bureaucratie, ainsi qu’à un risque accru de décisions arbitraires.

[…]

L’ambition [du gouvernement néerlandais] est d’exclure des gens du droit de se nourrir et de se loger, de sorte que ces mesures sont essentiellement idéologiques et en aucun cas motivées par l’état des finances nationales ou d’autres arguments rationnels qui imposeraient ce type d’économies à travers lesdites mesures. »

Qu’est-ce qu’on dit ? ON DIT : BRAVO MME. KLIJNSMA !

Jetta Klijnsma

Qu’est-ce qu’on dit ? ON DIT : BRAVO LA SOCIAL-DEMOCRATIE !!!

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Bernard Arnault est une victime ! Les dessous d’une kabbale…

Bernard Arnault, propriétaire du groupe de luxe français LVMH (champagnes, cognac, sacs à main, cosmétique) saisi d’effroi par le fantôme des chars soviétiques, vient d’annoncer, comme l’avait fait Liliane Bettencourt il y a quelques mois, son intention de demander, en sus de sa nationalité actuelle, la nationalité belge. Dans la foulée, le maire pète-sec sortant de la commune la plus snob de Belgique, où a été parachuté il y a peu un ancien ministre belge des Finances un peu trop proche de la mafia bancaire suisse, a confirmé que l’une des plus grandes fortunes mondiales possédait à Uccle, depuis la fin de l’année dernière, un pavillon que l’on imagine modeste (1). En quoi cette nouvelle concerne-t-elle Mathieu Pigasse, directeur de la branche française de la banque d’investissement Lazard ? C’est ce que nous tenterons, dans cet article, de découvrir…

Arnault fut l’un des témoins du premier mariage de l’erreur de casting de 2007. Dans un article daté du 5 juin dernier apparemment inspiré par l’AFP car très semblable à un autre article paru le même jour dans Le Figaro (2), le Neuilly Journal , citant un  classement Bloomberg des plus grandes fortunes, évaluait modestement le patrimoine du multimilliardaire à un peu moins de 17,2 milliards d’euros.

En l’espace de trois mois (le premier baromètre Bloomberg ayant été publié le 5 mars 2012), Arnault aurait été rétrogradé de la cinquième à la dix-septième place du classement des riches puants (3). Selon les deux feuilles de chou, il y aurait à cela deux raisons : d’une part, « la chute de l’euro face au dollar (perte de plus de 5,5 % sur le dernier mois), qui baisse mécaniquement la valorisation de [sa] fortune », d’autre part, le fait que « sur les trois derniers mois [l’action] LVMH a chuté de plus de 12 % ».

Ces deux paramètres sont facilement vérifiables, l’un par un graphique qui établit l’évolution du taux de change dont question (4), l’autre par un second graphique, relatif à l’évolution du cours LVMH (5). Durant la période de référence, le taux de change Euro / Dollar a bel et bien baissé de 5,83 %, l’action LVMH de 12 %. Mais, en écrivant cela, a-t-on tout écrit ? Un élargissement du spectre d’observation permet de se rendre compte que non : en matière de taux, l’on suppose qu’une légère baisse de la valeur de l’euro par rapport au dollar s’inscrit dans un mécanisme correctif destiné à éviter de nouveaux pics tels que ceux observés fin octobre 2011. Plutôt qu’une chute de l’euro face au dollar, il s’agirait donc d’une recherche d’équilibre (6). En ce qui concerne le cours de l’action LVMH, on se rend compte qu’elle n’a cessé, malgré deux baisses significatives de courte durée, de suivre une courbe certes fluctuante mais globalement ascendante, de septembre 2010 à aujourd’hui (23 % de hausse pendant la période).

Début mars 2012, Forbes logeait Arnault à la quatrième place de son classement, Bloomberg à la cinquième (7). Selon Neuilly Journal, le rentier carnassier aurait, pour les raisons susévoquées, dégringolé, au premier juin dernier, à la dix-septième place de l’échafaudage Bloomberg (8). Il faudra donc que l’on m’explique comment, en trois mois à peine, une diminution conjoncturelle de 12 % du cours de LVMH et une baisse prévisible de 5,5 % du taux de change Euro / Dollar parviennent à justifier une diminution de moitié de la fortune d’Arnault, estimée début mars à 42,3 milliards de dollars par Bloomberg, à 41 milliards de dollars par Forbes, et qui s’élèverait aujourd’hui, selon la première de ces sources, à 21,4 milliards de dollars !!!

Dans les années 1980, sous le règne de la rose fanée, c’est à la banque Lazard qu’a recouru Arnault pour obtenir des conseils quant au montage financier qui lui serait le plus favorable avant les rachats successifs de Christian Dior et de LVMH. Résultat des courses : un nœud inextricable de fiduciaires, de filiales et de sociétés-écrans dans lequel, selon Forbes, une chatte ne retrouverait pas ses petits (9). De nos jours, Lazard conseille plutôt les gouvernements…

« Depuis que la Grèce a choisi la banque dirigée par Matthieu Pigasse, également dirigeant du Monde, le chiffre d’affaires de cette branche a bondi de 10,1 millions d’euros en 2009 à 23 millions en 2010 », notait Marianne  il y a un an, avant de conclure son paragraphe par un éloquent : « le malheur des uns [fait le bonheur des autres] … ».  Mais la Grèce est loin d’être la seule cliente de Pigasse : la France figure aussi au nombre de ses obligées.

En effet, malgré les rodomontades d’Arnaud « trop cool, le nucléaire » Montebourg (11), c’est à ce banquier énarque new look au patronyme dur à porter dans le monde anglo-saxon, médiatisé opportunément à l’approche des dernières présidentielles françaises, que le ministre de l’Economie et des Finances a fait appel pour porter sur les fonts baptismaux la future banque publique d’investissement que son président appelait à juste titre de ses vœux pendant sa campagne (12). Tant Pigasse que Moscovici ont gravité dans l’entourage de DSK lorsque celui-ci était encore fréquentable en public. Cela crée des liens…

Mais le mandat semble aller plus loin. Invité de TV5 Monde le 16 avril 2012 (13), le banquier déclarait : « le système fiscal français –d’ailleurs c’est vrai très largement en Europe – est un système fiscal qui favorise ce que j’appelle la rente (donc les privilèges, le conservatisme) et, à l’inverse, pénalise le risque, et donc le travail. […] La meilleure façon de redistribuer est donc d’être à la fois efficace économiquement et juste socialement, et de pénaliser la rente, de frapper le capital lorsqu’il n’est pas employé ou qu’il est mal employé, et à l’inverse d’alléger la fiscalité sur le travail le plus possible. Une des façons de faire, c’est […] d’équilibrer, d’arriver à un même niveau d’imposition entre la fiscalité pesant sur les revenus du travail et la fiscalité pesant sur les revenus du capital. »

Il est difficile de ne pas établir de parallèle entre cette dernière suggestion et le plan budgétaire que vient d’annoncer le président français (14). L’on ne s’en plaindra pas : il était temps de remettre à l’honneur un semblant d’égalité fiscale après toutes les dérives des dernières années. Le ballon d’essai lancé par Arnault quant à son possible exil belge pourrait d’ailleurs avoir le mérite de hâter le débat sur l’harmonisation fiscale européenne si, allant au bout de sa logique, Hollande fait voter la loi qui empêchera tout citoyen français, quel que soit son lieu de domiciliation, d’éluder l’impôt du pays dont il détient la nationalité. Au vrai-faux coup de théâtre de l’industriel (téléguidé ou non par le golem des Hauts-de-Seine, qui voue à Pigasse une haine tenace), lequel pourrait ainsi, à terme, se retourner contre lui et ses puants semblables n’a pas tardé à répondre la une vengeresse de Libération (contre laquelle Arnault vient de porter plainte), quotidien dont le patron de presse multi-casquettes de chez Lazard (15) a supervisé, en 2005, la vente à Edouard de Rothschild et qu’il semble désormais vouloir ajouter à sa manne (16). Or, Demorand, qui supervise la rédaction de Libé, et Pigasse sont copains comme cochons… Ceci accrédite la thèse des règlements de compte multidirectionnels.

Au niveau européen, Pigasse n’est pas plus avare de conseils : « La première des révolutions à mettre en œuvre, c’est la révolution européenne, c’est comprendre que la seule façon d’en sortir, c’est d’en sortir par le haut, tous ensemble, unis et solidaires. […] [Cela passe par] une intégration d’abord économique et financière beaucoup plus poussée, qui prend deux formes : […] la mutualisation financière [c’est-à-dire] la fusion des dettes […] [et] la solidarité budgétaire. […] Il n’y a pas de coût : c’est une redistribution des richesses [selon laquelle] les Etats les plus riches, par exemple l’Allemagne ou la France, paieraient en faveur ou à destination des Etats les plus pauvres, […]  avec un [seul] objectif, qui est de relancer la croissance. C’est ce qu’on appelle une stratégie coopérative. Et si on mène de telles stratégies coopératives en Europe, alors et seulement alors, on renouera avec la croissance et l’emploi. »

Mutualisation, certes, mais n’y a-t-il pas lieu de s’interroger au préalable sur l’origine des dettes nationales, donc sur la nécessité (ou non) de les rembourser dans leur intégralité ? Et n’est-il pas inquiétant de confier davantage encore de prérogatives à des institutions européennes non élues qui, pour l’heure, tendent, via un pacte de stabilité budgétaire inique en temps de crise, à imposer aux Etats des politiques de droite présentées comme dépourvues d’alternatives ? Et est-on vraiment sûr, à présent, qu’après l’échec de la monnaie comme ferment d’une identité commune, l’économie et le budget seront en mesure d’endosser ce rôle ? Ô lyrisme, où donc t’es-tu enfui ? Car, in fine, quelle architecture européenne voulons-nous vraiment : celle de superstructures capital-corporatistes impériales à l’américaine, ni socialistes (car déconnectées du peuple), ni libérales (car hégémoniques par nature) auxquelles chaque citoyen, comme un pion dans l’univers, serait d’une manière ou d’une autre affilié, sans la moindre échappatoire, sans la moindre possibilité de contestation fondamentale, selon la logique du vaudeville sans fin de Fukuyama ? Ou voulons-nous une Europe unie respectueuse de la démocratie et construite à une échelle différente, porteuse d’un nouveau modèle de développement ?

Indépendamment de ces questionnements fondamentaux, c’est, parce que, de toute évidence, Pigasse ne roule pas pour ce dernier scénario, et parce que la gauche caviar (de BHL à DSK, de Pigasse à Canal +) n’a que trop frelaté la gauche ces trente dernières années, sur l’opportunité pour l’Etat de confier à la banque privée Lazard la mission primordiale de fonder une banque publique qu’il y a lieu de s’interroger. Car celle-ci, si elle a l’avantage de ne pas confondre elle-même dépôt et boursicotage, n’en représente pas moins un maillon représentatif de la pourriture du système capital-corporatiste. Tout en saluant le courage de Hollande, qui respecte sa parole et ses électeurs en honorant ses promesses, l’on ne peut manquer de souligner que le choix de Lazard présente donc, dans un registre différent, une antinomie semblable à celui qui consisterait à attirer dans certains think tanks des responsables d’extrême-droite afin d’endiguer cette dernière ou de la rendre respectable.

Rien d’étonnant, dès lors, qu’à l’estime du jeune loup aux dents longues qui a eu le culot d’intituler son dernier livre « Révolutions » – un cas de conscience en soi que la confiscation quasi quotidienne de conquêtes sociales ou de principes fondateurs tels que la liberté par des agents du système nourris à la cuillère d’argent –, la crise actuelle est « une crise européenne d’abord et avant tout, qui se serait produite indépendamment même de la crise américaine des ‘subprimes’ ou faisant suite à la faillite de Lehmann Brothers. [En fait, c’est une crise] du modèle européen, qui est, pour [lui], la manifestation d’une panne de croissance en Europe. » Ben tiens ! Lehmann, après tout, était pour Lazard une concurrente consœur transformée en chèvre émissaire et rangée prestement en Europe, pour la commodité, dans le tiroir aux archives. Pourtant, l’infection des Credit Default Swaps, qu’elle a propagée à l’ensemble de la mafia bancaire occidentale est un fait avéré, de même que l’abrogation du Glass – Steagall Act par un ancien président américain auquel, avec un pareil souci de mémoire, l’on tresse aujourd’hui des lauriers. Il se peut que Pigasse ait déjà refoulé l’endettement massif des Etats européens consécutif à la crise bancaire, ce dernier n’en demeure pas moins une réalité, tandis que la crise du modèle européen, qui, selon lui, se serait produite de toute façon relève de la spéculation…

Oser imputer un tel endettement au fait « que le continent européen ne croît plus depuis dix ans – peut-être même plus : vingt ans – et [qu’il] a compensé l’absence de croissance par un surcroît d’endettement [, ce qui aurait] conduit à la crise européenne, c’est-à-dire la crise financière, la crise grecque en 2009 » revient non seulement à faire quasiment table rase à la fois de l’endettement antécédent et de l’endettement de salut bancaire, mais aussi à entretenir le flou quant aux possibilités de croissance dont dispose encore un continent qui a tout, aux nécessités de redistribution égalitaire au profit des citoyens qui n’ont rien, et à une vision sociale basée sur des indicateurs plus proches des réalités humaines. En d’autres termes : la croissance, pour quoi faire ? Et de quelle divinité PIB est-il le nom ?

Lorsque le grand théoricien bancaire affirme que l’inflation, « c’est une façon, en fait, de redistribuer les richesses entre les générations et d’éroder, de réduire, ce qu’on appelle la valeur réelle de la dette […] [et qu’il faut donc] accepter un surcroît d’inflation, qui redistribuera de la richesse entre les générations », il n’a sans doute pas tort, mais comment compte-t-il s’y prendre pour garantir aux (très) petits épargnants le maintien de leur patrimoine ?

Enfin, pester contre une Europe qui serait « un continent de vieux (au sens où il vieillit), dirigé par des vieux (lorsqu’on regarde la longévité ou l’âge de [ses] dirigeants) et avec des politiques tournées vers les vieux […] », c’est bien beau, mais est-ce aussi crédible lorsque l’on dirige un établissement bancaire qui conseille les plus friqués parmi lesdits vieux ?…

A la place de la banque Lazard, la France aurait pu faire appel à un réseau de banques durables (17) qui auraient pu formuler des propositions novatrices. Mais le sérail social-démocrate, fidèle à sa longue tradition, a préféré le bon vieux copinage, le retour d’ascenseur électoral, négligeant l’évidence que, tout jeune qu’il se prétende, Pigasse est déjà dépassé. Ses solutions sont cosmétiques : elles n’ont pas pour ambition de modifier fondamentalement l’accumulation extrême et la concentration antilibérale du capital qui constitue son gagne-pain. Sa vision est celle d’un actionnaire du système actuel, d’un représentant de très grands rentiers, même si son masque de coolitude et son marketing discursif peuvent apparaître rafraîchissants par rapport à l’immoralité affichée des banquiers et autres industriels retors confirmés. Elle n’est peut-être pas bonne à entendre, elle n’est sans doute pas rémunératrice, mais de temps à autre, face à des potentats (en puissance), la vérité non clanique est bonne à écrire !

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(1)    Source : http://www.rtbf.be/info/monde/detail_bernard-arnault-premiere-fortune-de-france-habite-deja-a-uccle?id=7835990

(2)    Lire : http://www.neuillyjournal.com/actus/economique/item/2503-classement-des-fortunes-de-liliane-bettencourt-et-bernard-arnault

http://www.lefigaro.fr/societes/2012/06/04/20005-20120604ARTFIG00768-liliane-bettencourt-est-plus-riche-que-bernard-arnault.php

(3)    “The stinking rich” est une expression anglaise courante…

(4)    http://forex.actufinance.fr/taux-change/eur-usd.html

Taux du 5 mars 2012 : 1 € = 1,32 $

Taux du premier juin 2012 : 1 € = 1,243 $

(5)    http://bourse.lci.fr/action.hts?id=FR0000121014,XX,25&menu=action_graphes&code=

(sélectionner, à droite, dans les paramètres du graphique, la période correspondante, c’est-à-dire du 5 mars 2012 au premier juin 2012)

Cours du 5 mars 2012 : 128 €

Cours du premier juin 2012 : 112,6 €

(6)    A son plus bas de l’année écoulée, le 24 juillet dernier, 1 € valait encore 1,207 $. Et, depuis lors, la devise est de nouveau à la hausse. C’est d’ailleurs à se demander si les tourments  grecs ont eu, sur le cours de ces douze derniers mois, le moindre impact significatif, voire si la proportion desdits déboires (c’est-à-dire leur capacité de nuisance pour l’Union européenne) a été gonflée intentionnellement dans les médias dans le but d’accroître le sentiment de crise, et par ricochet, la nécessité de cohésion. La crise grecque comme outil connexe pour favoriser les exportations européennes par l’entremise d’une pression sur les taux ?…

(7)    Lire : http://www.forbes.com/billionaires/list/

www.blog.bloomberg.com/2012-03-05/bloomberg-news-launches-daily-billionaires-index/

(8)    A l’heure actuelle, il occupe la treizième place de ce palmarès en évolution constante, dont il est malaisé d’obtenir l’historique (ce qui implique qu’il pourrait avoir été mis à jour une nouvelle fois au moment où vous lisez ce post : http://topics.bloomberg.com/bloomberg-billionaires-index/

(9)    Lire : http://www.forbes.com/sites/luisakroll/2012/05/18/inside-lvmhs-byzantine-ownership-structure/

(10) Lire : http://www.marianne2.fr/Crise-grecque-Jean-Pierre-Jouyet-balance-un-scud-a%C2%A0Daniel-Cohen_a210315.html

(11) Source : http://www.lemonde.fr/economie/article/2012/08/31/montebourg-regrette-le-mandat-confie-par-bercy-a-la-banque-lazard_1754124_3234.html

(12) Source : http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/20120830.OBS0795/pigasse-choisi-pour-inspirer-la-banque-publique-d-investissement.html

(13) Vidéo disponible ici : http://www.youtube.com/watch?v=n-7BtKsOAS0

(14) Regarder ici l’interview accordée hier à TF1 par François Hollande (en particulier l’extrait de 13:21 à 16:18) :  http://www.youtube.com/watch?v=CvjJT97udpw

(15)Source : http://www.rue89.com/2012/06/06/les-synergies-de-citizen-pigasse-232772

(16) Source : http://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2012/06/05/matthieu-pigasse-s-interesserait-a-liberation_1712883_3236.html

(17) Lire :  http://www.geo.fr/environnement/actualite-durable/banque-durable-28423

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La gravité est la lucidité des damnés…

C’était l’autre soir, il y a deux ou trois semaines, sur l’antétube hypnotico-cathodique. « Tu veux que je te la montre, ma gravité ? » avais-je pensé…

Le mec, un jeune Gulliver à l’allure de gentleman humble et appliqué, un long hêtre planté dans un décor tout de lumières flashy, celui d’une émission de grande écoute pour insomniaques qui a déjà marqué les annales du Meilleur des Mondes chimérique, un doux gendre idéal de bonne extraction plongé quasiment à l’insu de son gré entier dans la moiteur humide des plateaux de science-fiction médiatique mal aérés, s’était distingué notamment par l’utilisation d’une maxime de Montesquieu, reprise à son compte : « la gravité est le bonheur des imbéciles. »

La gravité, un bonheur ? Cela méritait réflexion. Me traversèrent l’esprit, dans un ordre entropique, la gravité physique (terrestre notamment), la gravité de conditions sociales peu enviables, celle de l’homme ou de la femme d’Etat devant l’ampleur des défis qui se présentent à lui, la gravité factice et surjouée des idiots, aussi.

A laquelle de celles-ci le jeune éphèbe au masque impassible avait-il bien pu faire allusion ? A la dernière, indubitablement, celle que d’aucuns s’imposent, comme si les forces qui s’imposent à eux ne leur suffisaient pas. Les rend-elle heureux, épanouis ? Probablement pas : sans doute cette gravité-là n’est-elle que le vernis social dont ils s’enduisent par refoulement ou souci de sérieux. Dame ! La maxime était devenue creuse. Qu’importe : les vagues synaptiques qu’elle avait fait surgir, chacune charriant son lot d’écume neuronale, avaient ouvert de nouvelles perspectives de réflexion sur lesquelles j’étais bien décidé à surfer.

Après tout, n’est-ce pas aussi, d’une certaine manière, de l’attraction terrestre que cherche à s’affranchir celui qui s’engouffre sans hésiter dans la périlleuse intimité tubulaire des éphémères montagnes aquatiques des plages hawaiiennes de Jaws ou d’ailleurs, qui, se succédant à un rythme soutenu, pourraient à tout moment le happer ? Ou comment, tel un parachutiste qui, soumis corps et esprit à l’attraction qui l’aspire nolens volens vers le point d’où il s’est propulsé, éprouve l’illusion d’y échapper et ressent la passagère jouissance du prisonnier autorisé une fois par semaine à gambader dans la cour intérieure grillagée de son immeuble-pénitence, trouver son bonheur dans les interstices de la gravité implacable qui nous conditionne, nous autres, les humains…

Grâce tant espérée, allégresse promise, que ne nous déliez-vous de ces boulets qui nous fixent, nous figent, nous finalisent, que ne nous libérez-vous des clans, ne nous délivrez-nous des camps, pour que fier s’envole le mongol en nous assoupi, qui, délesté de son ballast, par quasi-métempsycose, un nouvel hôte déjà convoiterait. Réservez vos faveurs à ceux et celles qui les méritent et empêchez les autres, cet enfer, d’abuser de votre Eden. Soulevez-vous, indignez-vous donc de ce qui est fait en votre nom !

Innombrables, je les ai vus tourner, mes nymphes, en dérision la gravité. Sans elle, pourtant, quelle demeurerait votre valeur ? De quel goût frelaté se parerait votre étreinte ? Vos faux amants sont égoïstes : votre vrai visage, ils s’en moquent bien. Avec porcine délectation, ils se vautrent par cohortes dans leur désert sentimental. Etouffées par les uns, effacées par les autres, leurs âmes se sont flétries avant même d’éclore. Et cette gravité qui les obère tandis qu’ils l’excommunient  mécaniquement, ils n’y connaissent, en réalité, pas grand-chose. Quand, par la force des choses, ils y auront goûté, fuyant la délivrance, ils s’y complairont mimétiquement, ou, dans une même escampette arrière, feront avec désinvolture de cet abstrait abstraction pour mieux, dans les deux cas, s’abandonner à un autre, du nom d’Eurdol, de Rouan ou de Liyen. La gravité de leur sueur et de leurs illusions perdues, ils seront libres alors d’en faire la servante de rectangles de papier en attente de dématérialisation.

La gravité du social-sordide, celle, extrême, des rapports gravitationnels mondiaux, ils les enfouiront très profondément dans le bain de boue où se putréfient leur innocence et la curiosité de leur enfance. Regards baissés, sombres, livides, paroles convenues, attitudes régies et âmes éteintes… C’est que de la légèreté d’apparat, ils ont fait un empire, le seuil de leur salut travesti. Gravité du médiocre, leur légèreté était frivole. Légèreté de l’obscène, leur gravité sera rude ! Car la première ne peut être que le couronnement d’un désir de grâce qui ne s’offre comme horizon accessible qu’aux damnés qui ensemble se déchaînent…

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N.B. : exceptionnellement, ce post a été rédigé a posteriori (le 26/09/12).

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‘Raisin périphérique’ : un patrimoine gustatif à sauver !

Will Tura, le Julio Iglesias flamingant qui ne manque pas une seule édition des traditionnelles Druivenfeesten (Fêtes du Raisin) overijsoises, vous le dira : le raisin de table va mal. Ingrédient incontournable des orgiaques agapes romaines de la haute de l’époque, ce fruit divin produit en quelques communes de la périphérie largement flamande de Bruxelles traverse une très mauvaise passe, sans doute la plus déterminante pour sa survie elle-même.

En Brabant flamand, il n’y a pas de pétrole. Mais il y a des ressources considérablement moins polluantes. Felix Sohie l’avait bien compris. Employé comme arboriculteur par un riche baron du cru, ce visionnaire avait expérimenté, au milieu du XIXe siècle, une nouvelle technique de pousse pour la culture de raisins. Il « vit tout ce qu’il avait fait et voici, cela était très bon ». Lorsque ledit baron décéda, Sohie exploita pour son propre compte la découverte dont il était l’auteur et, en l’espace de quelques décennies, entraîna dans son sillage des dizaines et des dizaines de serristes. Le raisin de table belge était né ! Pour être complet, ajoutons que des indices archéologiques divers découverts dans la région et ses alentours tendent à prouver que le raisin y était déjà cultivé pendant l’occupation romaine à des fins vinicoles…

N’en déplaise à Overijse, qui s’est contentée de dupliquer l’initiative, ce sont les communes de Hoeilaart, aussi connue sous le surnom de « village de verre » (ou glazen dorp), au demeurant beaucoup plus accueillante, et Huldenberg qui furent les terrains d’expérimentation initiaux du génial inventeur. Dans les années 1930, l’on comptait plus de 30 000 serres dans la région (1). Le métier de serriste y était devenu l’activité économique par excellence et l’opulence de la commune dont s’inspira le dessinateur de BD Marc Sleen, un de ses célèbres résidants, était devenue telle que chaque serriste rivalisait avec son voisin quant au nombre de serres qu’il exploitait. Plusieurs maisons de maître typiques rescapées de cette époque témoignent encore de ce passé glorieux.

Le raisin de la périphérie bruxelloise (de Vlaamse rand rond Brussel, pour les puristes) se décline en plusieurs variétés, dont les plus connues dans la gamme des raisins bleus sont : Royal, Ribier, Colman et Léopold III. Cette dernière est au raisin de table ce que la Rolls est au parc automobile : un joyau de goût et de volupté enveloppé dans une résistante poche d’un bleu intense. En croquer la chair et en savourer le nectar procure un plaisir qui relève malheureusement du luxe : les rares épiceries bruxelloises où notre raisin belge se vend n’hésitent pas à demander près de 20 euros pour une simple grappe de Royal…

Dès après la seconde guerre mondiale, une grande fête populaire qui s’étendrait sur une semaine entière fut imaginée pour mettre le raisin de table à l’honneur. Ici aussi, Hoeilaart était pionnière ! La Belgische tafeldruif était alors convoitée et exportée aux quatre coins de l’Europe pour sa texture raffinée et ses saveurs incomparables.

Entre-temps, le phénomène est passé de mode. De nombreux serristes ont vendu avec beaucoup d’opportunisme leurs terres à de riches propriétaires fonciers, et les mini-cathédrales de verre ont fait place aux villas cossues occupées par des fonctionnaires européens ou des délégués de multinationales de passage. Hoeilaart-la-foisonnante, lovée au sein de la majestueuse et mystérieuse forêt de Soignes, est devenue grosso modo une commune-dortoir. A un essor petit-bourgeois a répondu l’autre, raillent les esprits grognons qui ne voient dans l’explosion du nombre de serres, au début du siècle dernier, qu’une manifestation d’opportunisme pécuniaire qui serait renforcée aujourd’hui par les critiques flamingantes (c’est-à-dire flamandes rabiques) à l’encontre de la francisation de cette partie de la périphérie : nul n’obligeait, selon eux, les serristes d’Overijse à vendre en majorité leurs terres aux plus offrants, pour la plupart de prétentieux et arrogants francophones en l’occurrence…

Quoi qu’il en soit, les serristes qui ont persisté se font très vieux aujourd’hui. Et, compte tenu de la lourdeur de leur charge, rares sont, au sein de leurs familles respectives, les candidats repreneurs. Ainsi, ils préfèrent souvent laisser dépérir l’œuvre de leur vie et emporter dans leur tombe leur immense savoir-faire que de transmettre celui-ci au premier novice venu. Un bon serriste ne prend quasiment jamais de vacances, en effet : en été, il lui faut à tout moment régler l’amplitude d’ouverture des fenêtres de ses serres en fonction du temps pour assurer une pousse optimale, faute de quoi les recettes de toute une année de labeur risquent d’être perdues. En hiver, il lui faut mettre en marche au moment opportun le très coûteux chauffage au pétrole ou au charbon. Ce métier est un sacerdoce artisanal sans fin : pas de retraite pour les braves !

Voilà quelques-unes des raisons pour lesquelles l’on ne compte plus aujourd’hui, à Hoeilaart, que quelque 500 serres et une trentaine de serristes (1) selon les comptages les plus favorables. Une autre étude (2) indique même qu’en 1995 déjà, il ne restait plus dans la commune que 422 serres en activité.

Une autre raison de taille pourrait être la lenteur des autorités, partagées entre communes, province de Brabant (unitaire puis scindée selon la langue), région et Etat fédéral à soutenir, à l’image des Parmesans leur jambon ou des Bordelais leurs grands crus, un produit du terroir qui n’a aucun équivalent ! En effet, ce n’est pas faire preuve d’arrogance déplacée que d’affirmer que les raisins importés, en plus de s’inscrire dans une stratégie de dumping environnemental avérée, n’ont pas le quart de la saveur des nôtres : ou ils sont remplis d’eau, ou ils ont le goût et la texture d’une prune miniature !

Dès lors, plutôt que de dépenser 20 € pour trois ou quatre grappes d’un fruit infect ou insipide, ne vaut-il pas mieux faire un tour du côté des producteurs de la périphérie encore en activité (Ils reçoivent chez eux, pour la plupart !) et obtenir pour le même prix deux grappes généreuses d’une baie dont vous tomberez instantanément amoureux ? A vous de juger, à l’occasion de l’édition 2012 du Druivenfestival  (Festival du Raisin) de Hoeilaart (3), du 14 au 17 septembre prochain, par exemple…

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(1)    Source (en néerlandais) : http://www.denblank.be/imagesfolder/voorstellingen/Boer_en_Tuinder_29_-01-2010_Boerenbond.pdf

(2)    Source : http://www.overijse.be/html/info/detail.asp?id=77&artid=443&i=77&a=443

(3)    Programme ici : http://www.druivenfestivalhoeilaart.be/

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Par-delà rigueur et croissance : à bas le travail ! VIVE LA CREATIVITE !

Il fut un temps, pas si lointain, idéalisé sans doute, mais non moins véritable, où faire la pute n’était pas une condition pour obtenir, en retour de miettes, l’insigne privilège de s’aliéner quotidiennement à accomplir un travail robotique et formaté, sous le contrôle abrutissant de petit(e)s sergent(e)s de pacotille. Il fut un temps où le pouvoir, quel qu’il soit, avait à répondre de ses fautes patentes, de ses errements inassumés, de ses manquements successifs et de ses allégeances déplacées, où la responsabilité exigée des petits ne répondait pas au dandysme cynique des bien-nés ou des parvenus sur le tard, où la société n’était pas figée en une architecturale caricature du progrès, où l’asservissement, ennemi commun de l’Humanité, était combattu, non mis en scène, par tous ceux qu’il cherchait à dominer et où la fataliste résignation n’apparaissait pas comme l’ultime horizon, un temps où la promotion des talents était un exercice commun, non une discipline olympique, où les ambitions hollywoodiennes, la starmania et l’égoïsme de bazar n’avaient pas encore submergé l’Atlantide populaire, où chérir la vie ne supposait pas embrasser la mort, où être femme ou homme n’impliquait pas de promouvoir avec la fierté de l’idiot(e) enchaîné à son bureau la soumission complice à une invisible loi du plus fort, où la pensée n’avait pas à être policée, les affinités électives à être validées par les cerbères pourrissants du grand Désordre ordonné, l’imagination à être brimée sous les assauts des omniprésents agents du conforme, un temps  où gagner n’équivalait pas à courber l’échine, où la dictature du minable n’officiait pas dans toute sa décadente splendeur. Il fut un temps où les règles du jeu étaient remises en question, plutôt qu’intériorisées sans recul. Il fut un temps où l’espoir n’était pas un vain mot ! Il sera un temps, pas si lointain, idéalisé sans doute, mais non moins véritable, où ce temps reviendra !!

“Trabaja en sprek Vloms !”

In een industriële maatschappij die werk met productiviteit veralgemeent is de noodzaak om te produceren altijd een vijand van de creativiteit geweest. Welke humane, creatieve vlam kan er nou blijven branden binnen een mens die elke ochtend om 6 uur uit zijn bed wordt getrommeld, vanuit een buitenwijk door treintjes of metrootjes naar zijn job wordt gesleurd, omsingeld wordt door het oorverdovende gekraai van industriële machines, gebleekt en gestoomd wordt door zinloze geluiden en gebaren, onderworpen wordt aan statistische evaluaties, en op het einde van de dag aan de ingang van het dichtstbijzijnde treinstation wordt neergedropt, deze vertrekkathedralen voor de helse werkdagen die tegelijk als voorkamers van het paradijselijke weekend fungeren, waar de massa’s bijeenkomen in een barbaarsachtige vermoeidheid.

Vanaf de tienerjaren tot en met het pensioen volgt elke 24 urencyclus dezelfde verpletterende geritmeerde kanonnade, als kogels tegen een raam : mechanische herhaling, tijd dat geld is, gehoorzaamheid aan bazen, verveling, uitputting. […] Nooit tevoren heeft de beschaving zo’n minachting voor het leven vertoond. Nooit tevoren deelde een generatie, verzopen in een dergelijke mortificatie, zo’n rage om te leven.

Diegenen die langzaam maar zeker in de gemechaniseerde slachthuizen van het werk worden vermoord zijn ook diegenen die debatteren, zingen, drinken, dansen, vrijen, protesteren, nieuwe ‘wapens’ bedenken en een nieuwe poëzie uitvinden. Het front tegen verplicht werk is reeds in opmaak. Zijn uitdrukkingen van verzet vormen de gewetens van morgen. Elke oproep voor productiviteit onder de regels van het kapitalisme of het Sovjet communisme is een oproep tot slavernij.

[…]

Van nu af aan willen de mensen leven, niet alleen overleven. Het trepalium [was] een folterinstrument.  Het latijnse ‘labor’ draagt [eveneens] het lijden in zich. De oorsprong van de woorden ‘travail’ en ‘labour’ vergeten is niet [zo] wijs. De aristocratie is nooit haar eigen waardigheid vergeten, evenmin als de onwaardigheid die haar onderdanen kenmerkte. Haar misprijzen voor het werk reflecteerde het misprijzen van de dominerende klasse voor de ondergeschikten. [Werken] was de boetedoening waartoe ze voor eeuwig gestraft waren door het goddelijk decreet die hen wegens ondoorgrondelijke redenen als onderdanig had bestempeld. Het werk nam zijn plaats in tussen de providentiële straffen als een sanctie van de armoede, en daar het een middel was om het zielenheil te bereiken kon deze sanctie [ook] worden beschouwd als een vorm van vermaak. Werk was echter fundamenteel minder belangrijk dan onderworpenheid.

De bourgeoisie overmeestert niet, ze buit uit. Ze heeft er geen behoefte aan om te heersen, gewoon gebruiken voldoet. Waarom heeft niemand ingezien dat het principe van productiviteit het principe van futiel gezag heeft vervangen ? Waarom wil niemand dit begrijpen ? Is het omdat arbeid de menselijke conditie verbetert en de armen, alleszins allegorisch, van de eeuwige verdoemenis redt ? Ongetwijfeld, maar het ziet ernaar uit dat de belofte van een betere toekomst heden ten dage de belofte van een redding in het hiernamaals vervangt. Het heden ligt in beide gevallen onder de hielen van de onderdrukking. Is het omdat arbeid de natuur transformeert ? Ja, maar waar moet je heen met een natuur die geordend wordt volgens winsten en wetten ? […] Werken om de wereld te veranderen ? Onzin ! De wereld is aan het veranderen in de door de verplichte arbeid voorgeschreven richting. En net daarom evolueert hij zo slecht…

[…]

Vandaag zijn ambitie en liefde voor goed gepresteerd werk de onuitwisbare tekens van berusting en onderworpenheid. Daarom boekt het stalen fort van de ideologie zo’n vooruitgang, waar onderworpenheid ook vereist moge wezen, van het “Arbeit macht frei” uit de concentratiekampen tot de preken van Henry Ford […].

Wat is dan [uiteindelijk] de bedoeling van verplichte arbeid ? De mythe van de door God en meester gezamenlijk uitgeoefende macht vindt zijn oorsprong in het middeleeuwse stelsel. Door [deze] mythische eenheid af te breken wijdde de versnipperde macht van de bourgeoisie, onder [het mom] van crisissen, het rijk der ideologieën in, die nooit apart noch tegelijk maar een fractie van de efficiëntie van de mythe kunnen bereiken. De dictatuur van het productief werken kwam [dus] ter vervanging.

[…]

De arbeidsduurvermindering dook veelbetekenend op net wanneer het scherm van de door de consumptiemaatschappij geproduceerde ideologische diversiteit er bleek in te zouden slagen de middeleeuwse mythes die de jonge bourgeoisie omver had gegooid te vervangen. Mensen hebben echt gewerkt voor een koelkast, een wagen, een televisieset. Velen blijven het doen, hierbij uitgenodigd om de hen door de productienoodzaak geboden passiviteit en ‘lege tijd’ te consumeren.

Statistieken uit 1938 toonden aan dat het gebruik van de meeste moderne technologieën de arbeidsduur tot 3 uur per dag zouden verminderen. Niet alleen zijn we hier ver van, met onze 7 uren, maar na generaties werkers te hebben uitgeput door ze te beloven dat de producten die vandaag op termijn worden afbetaald ze blij zullen maken streven de bourgeoisie en haar Sovjet tegenhanger naar de vernietiging van de mens [ook] buiten de werkplaats. Morgen zullen ze wel in de vijf uur noodgedwongen zweet en tranen die ze zullen bedenken een creativiteitsperiode inlassen die zal groeien naargelang ze die kunnen vullen met de onmogelijkheid om wat dan ook [effectief] te creëren.

[…]

Heeft iemand ooit overwogen om de werkbenaderingen van primitieve maatschappijen te bestuderen, het belang van het speelse en de creativiteit, de ongelooflijke opbrengst van methodes die de toepassing van de moderne technologie honderd keer efficiënter zou maken ? Duidelijk niet ! Elke oproep voor productiviteit komt van bovenaf. Maar enkel creativiteit is spontaan rijk en veelvuldig. Van productiviteit moet je geen vervuld leven verwachten. Productiviteit zal de economische behoeften niet enthousiast beantwoorden. Maar wat valt er te zeggen als je weet dat het arbeidscultus van Cuba tot China wordt beoefend ? […]

In zoverre automatisering en elektronica een massale vervanging van de menselijke werkkrachten door [robot- collega’s] aankondigen staat verplichte arbeid onder de schijnwerpers louter als deel uitmakend van de barbaarse middelen die nodig zijn om de orde te handhaven. De macht vervaardigt de noodzakelijke dosis vermoeidheid voor de passieve assimilatie van de dictaten die ze op T.V. uitzendt. Welke wortel is dan nog het werken waard ? Het spel is voorbij, er valt niets meer te verliezen, zelfs geen illusie meer […].

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Vous venez de lire un message d’utilité publique extrait de « The Revolution of Everyday Life » (1).

En renfort de la réflexion qu’il ne pourra manquer de susciter auprès de ceux qui se permettent de penser next to the box à l’heure où le système fukuyamesque (auquel ladite boîte est loin d’être limitée) s’impose comme une chape de plomb cheap, vous sont proposés, dans la version actualisée de ce beau conte des années ’60 – Pouah, la poussière, mec ! – les modules ‘SDF’, ‘décroissance raisonnée’, ‘crise bancaire’, ‘chômage de masse structurel’, ‘inversement de la société du spectacle’ et ‘dynasties politiques bourges’…

En complément, la lecture de « La fin du travail » (2) de Jeremy Rifkin est vivement conseillée…

Enfin, le narrateur de la vidéo ci-dessus est encouragé à se présenter au plus tôt à l’atelier ‘déclamation néoromantique non productive’…

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(1)    Ceci est la traduction anglaise du livre de Raoul Vaneigem « Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations », Gallimard, 1967. La traduction en néerlandais de l’extrait ci-dessus présenté est libre et rapide…

(2)    Jeremy Rifkin, « La fin du travail », Ed. La découverte / Boréal, 1996, traduction française de « The End of Work », Tarcher / Putnam, 1995.

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